9 février 2013

Manifeste censuré d'Albert Camus :



Durant la seconde guerre mondiale, la France a été coupé en deux zones, la zone nord, contrôlée par les allemands nazis, et la zone sud, sous le régime de Vichy. Alors que les allemands occupent la France-nord, ceux-ci instaure une forte censure afin de maintenir le contrôle du pays. Mais cette censure sera différente dans les deux zones.
Pour la presse en zone sud, il était plus simple de publier des articles. Le régime de Vichy met en place au niveau local et régional des services de censure ce qui permet un bon contrôle. Ainsi aucune information ne pouvait être publié sans l'accord des services de propagande. Les services de censures vérifient les textes et décident ou non la publication. Cette règle s'applique à tout les pays qui sont sous le régime de Vichy, y compris les colonies françaises.





Albert Camus


Albert Camus est un écrivain, philosophe, romancier et dramaturge français, né en 1913 en Algérie et est mort en 1960. Originaire d'une famille pauvre, il n'a pas connu son père, mort durant la première guerre mondiale. Comme le football puis le théâtre, le journalisme a été pour Camus, une libération où il s'épanouissait, un apprentissage de vie et de moral. Il y accordait beaucoup d'importance et fut un des journaliste les plus marquants de cette profession. Il revendique son statut intellectuel dans le journalisme qu'est un mode d'action et d'expression. Il fonde, avec Pascal Pia, le journal Alger républicain, où il fait scandale par ses prises de position contre l'oppression coloniale, contre une tutelle qui maintient dans la misère et contre l'asservissement du peuple musulman. Il devient par la suite, éditorialiste pour Le soir Républicain, feuille d'information quotidienne publié uniquement à Alger. L'éditorial sera interdit de publication le 10 janvier 1940 sur ordre du gouverneur d'Alger.


Analyse des définitions :


En 1939, l'auteur français écrit un manifeste, que l'on a retrouvé de nos jours dans les archives d'Aix-en-Provence, qui aurait dû être publié le 25 novembre dans le journal Le soir républicain mais qui a été censuré par les autorités coloniales avant sa parution. Dans cet article, l'écrivain invite les journalistes à rester libre malgré la forte présence de censure à cette époque là.

Il y définit les quatre commandements permettant à la liberté d'être préservée mais encore manifestée :
  • Lucidité : « La lucidité suppose la résistance aux entraînements de la haine et au culte de la fatalité. Dans le monde de notre expérience, il est certain que tout peut être évité. La guerre elle-même, qui est un phénomène humain, peut être à tous les moments évitée ou arrêtée par des moyens humains. Il suffit de connaître l'histoire des dernières années de la politique européenne pour être certains que la guerre, quelle qu'elle soit, a des causes évidentes. Cette vue claire des choses exclut la 
    • haine aveugle et le désespoir qui laisse faire. Un journaliste libre, en 1939, ne désespère pas et lutte pour ce qu'il croit vrai comme si son action pouvait influer sur le cours des événements. Il ne publie rien qui puisse exciter à la haine ou provoquer le désespoir. Tout cela est en son pouvoir. »

    Dans cette première définition, Albert Camus dénonce la guerre. Il évoque le caractère absurde de ce phénomène, et surtout des hommes qui ne cessent de cultiver la haine et le désespoir. C'est pour cela qu'il dit aussi que tout journaliste libre ou non se doit de rester clairvoyant et conscient de tout ce qui l'entoure, qu'il a en son pouvoir, le droit de lutter pour ses convictions, pour ce qu'il croit vrai en publiant seulement des choses qui puissent éclairer les êtres humains, et non des articles qui attisent la haine ou tout sentiment semblable à celui-ci..

    • Refus : «En face de la marée montante de la bêtise, il est nécessaire également d'opposer quelques refus. Toutes les contraintes du monde ne feront pas qu'un esprit un peu propre accepte d'être malhonnête. Or, et pour peu qu'on connaisse le mécanisme des informations, il est facile de s'assurer de l'authenticité d'une nouvelle. C'est à cela qu'un journaliste libre doit donner toute son attention. Car, s'il ne peut dire tout ce qu'il pense, il lui est possible de ne pas dire ce qu'il ne pense pas ou qu'il croit faux. Et c'est ainsi qu'un journal libre se mesure autant à ce qu'il dit qu'à ce qu'il ne dit pas. Cette liberté toute négative est, de loin, la plus importante de toutes, si l'on sait la maintenir. Car elle prépare l'avènement de la vraie liberté. En conséquence, un journal indépendant donne l'origine de ses informations, aide le public à les évaluer, répudie le bourrage de crâne, supprime les invectives, pallie par des commentaires l'uniformisation des informations et, en bref, sert la vérité dans la mesure humaine de ses forces. Cette mesure, si relative qu'elle soit, lui permet du moins de refuser ce qu'aucune force au monde ne pourrait lui faire accepter : servir le mensonge.  »

    Ici, Camus souligne le droit de ne pas avoir le même avis que tout le monde, de se forger sa propre opinion, il a le droit de dire ce qu'il croit factice. En résumé, le journaliste ne doit pas rentrer dans la norme et doit informer de façon subjectif cependant, il doit faire attention, il y a des limites à ne pas franchir comme le fait de dire directement ce qu'il pense.
    • Ironie : « On peut poser en principe qu'un esprit qui a le goût et les moyens d'imposer la contrainte est imperméable à l'ironie. On ne voit pas Hitler, pour ne prendre qu'un exemple parmi d'autres, utiliser l'ironie socratique. Il reste donc que l'ironie demeure une arme sans précédent contre les trop puissants. Elle complète le refus en ce sens qu'elle permet, non plus de rejeter ce qui est faux, mais de dire souvent ce qui est vrai. Un journaliste libre, en 1939, ne se fait pas trop d'illusions sur l'intelligence de ceux qui l'oppriment. Il est pessimiste en ce qui regarde l'homme. Une vérité énoncée sur un ton dogmatique est censurée neuf fois sur dix. La même vérité dite plaisamment ne l'est que cinq fois sur dix. Cette disposition figure assez exactement les possibilitées de l'intelligence humaine. Elle explique également que des journaux français comme « Le Merle »ou « Le Canard  enchaîné » puissent publier régulièrement les courageux articles que l'on sait. Un journaliste libre, en 1939, est donc nécessairement ironique, encore que ce soit souvent à son corps défendant. Mais la vérité et la liberté sont des maîtresses exigeantes puisqu'elles ont peu d'amants. »
    L'auteur explique ici que l'ironie est un élément essentiel quant à la profession de journaliste, car elle est considérée comme étant un moyen de défense contre le gouvernement . Elle permet aussi d'atténuer les sanctions qui suivront les informations qui seront par la suite, censurée.

    • Obstination : « Cette attitude d'esprit brièvement définie, il est évident qu'elle ne saurait se soutenir efficacement sans un minimum d'obstination. Bien des obstacles sont mis à la liberté d'expression. Ce ne sont pas les plus sévères qui peuvent décourager un esprit. Car les menaces, les suspensions, les poursuites obtiennent généralement en France l'effet contraire à celui qu'on se propose. Mais il faut convenir qu'il est des obstacles décourageants : la constance dans la sottise, la veulerie organisée, l'inintelligence agressive, et nous en passons. Là est le grand obstacle dont il faut triompher. L'obstination est ici vertu cardinale. Par un paradoxe curieux mais évident, elle se met alors au service de l'objectivité et de la tolérance. »

    Enfin, dans ce dernier paragraphe, Camus énonce toutes les difficultés présentes dans le métier d'un bon journaliste. Sans acharnement, l'homme n'arriverait à rien, sans entêtement, il ne pourra pas atteindre le but qu'il s'est fixé : informer et éclairer.



    A travers ces lignes, Camus définit en quatre parties l'attitude d'un journaliste libre. La lucidité, le refus, l'ironie et l'obstination sont les règles fondamentales permettant au journaliste de se tenir seul face à ceux qui nie ses convictions, ainsi que sa personne même. Faire preuve de bon sens est nécessaire quant à notre vision du monde. Un homme atteint par l'opinion générale ne voit pas ce que l'homme perspicace voit, hors parfois, il faut savoir prendre du recul et se remettre en question quant aux évènements et phénomènes qui nous entourent. Se créer sa propre opinion est une clé majeure, rejeter les avis communs est aujourd'hui utile afin de ne pas suivre ce que la majorité des personnes pensent. Il est important de se forger un point de vue propre à soi même, tout en limitant l'exposition de celui-ci afin d'éviter de révéler ceux pour quoi ou pour qui il s'oppose. Parler d'un sujet sérieux, voire sensible de façon dérisoire est aussi une base importante. Pas seulement pour la lecture de l'article, mais aussi pour la protection de l'auteur. Ecrire de façon moqueur permet d'alléger les sanctions donner par le gouvernement en cas de censure. Et tout cela est à appliquer, en ajoutant l'obstination. L'acharnement ne doit pas être pris à la légère car sans ce trait de caractère, l'homme ne viendrait jamais à bout de ses projets. Selon Camus, voilà ce que doit être un journaliste libre et indépendant. Etant en période de guerre, donc d'extrême censure, le capitaine Lorit censure cet article, incitant les journalistes à rester libre, donc de se rebeller contre le gouvernement Algérien. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.